La pirogue - "outrigger canoë" en anglais - est le plus vieux moyen de transport de l’humanité. L’homme n’avait pas encore domestiqué le cheval qu’il voyageait déjà au moyen de troncs d’arbres creusés dont l’équilibre était assuré par un balancier. On trouve des traces de pirogues sur tous les continents et c’est sans doute ce qui explique le sentiment particulier que l’on ressent face à cet engin asymétrique et pourtant si gracieux. L’arrivée des nouvelles technologies composites à fait de la pirogue ancestrale un formidable engin de glisse et de plaisir. La pratique de la pirogue, devenue légère, résistante et facilement démontable est ainsi devenue le sport roi des îles hawaïennes avant de se développer hors de ses frontières naturelles.
la pirogue polynésienne, le Va’a
et la pirogue hawaïenne, OC.
Le Va’a est le grand frère de la pirogue hawaïenne. Il est tahitien est a été conçu en rapport avec la géographie locale : toutes les îles de la Polynésie sont entourées de lagons où l’eau est plate et peu profonde. La pirogue polynésienne, ou Va’a, est donc très tendue dans ses lignes, très peu volumineuse et se caractérise par l'absence de gouvernail (même si l’on trouve aujourd’hui des Va’a avec gouvernail) : le rameur se propulse et se dirige à l’aide de sa pagaie ce qui nécessite un véritable apprentissage. Le Va’a est extrêmement rapide sur plan d’eau plat pourvu que le rameur possède la technique nécessaire pour exprimer sa puissance tout en maintenant l’engin dans la bonne direction. Enfin, le rameur est assis dans la pirogue et non sur celle-ci comme pour la pirogue hawaïenne.
L'hawaïenne est conçue pour évoluer dans un milieu complètement différent : l’archipel d’Hawaï est composé d’îles tombant directement dans le pacifique. Il n’y a pas de lagons et les puissantes houles se brisent directement sur les îles. La pirogue hawaïenne est donc étudiée pour affronter ce type de conditions : ses lignes sont généreusement "bananées" afin de pouvoir partir au surf dans des conditions de vents portants, son volume est plus important que celui de la pirogue polynésienne et elle est pourvue d’un gouvernail ce qui simplifie considérablement la tâche du rameur : celui-ci n’a plus à se concentrer que sur la propulsion, la direction étant assurée au moyen de pédales reliées au gouvernail. Enfin, le rameur est assis sur la pirogue et non dedans. Précisons que le développement de la pratique de la pirogue dans le monde tend à réduire de plus en plus les différences entre ces deux esquifs.
La pirogue hawaïenne a été dès son origine conçue pour surfer les houles de vent du pacifique. Le jeu est de choisir d’aller d’un point A à un point B, en ramant avec le vent dans le dos - "down wind" en anglais - et poussé par la houle formée par le vent. Le rameur "attrape" alors celle-ci est surf littéralement l’océan, pouvant atteindre des vitesses supérieures à 25 kms par heure. C’est une sensation grisante que de sentir sa pirogue accélérer sur chaque vague, même les plus petites !! De telles performances ne sont possibles que par l’utilisation des techniques de fabrication composites les plus modernes. Plus proche des normes aéronautiques que nautiques, ces "bateaux" sont construits à l’aide de fibres de carbone et de résine époxy. Une fois les tissus appliqués les moules sont mis sous vide et passées au four. C’est ainsi que les pirogues modernes ne pèsent qu’une dizaine de kilos pour une taille d’environ 6 mètres. Afin de tenir compte des contraintes de la vie moderne, les pirogues actuelles sont facilement démontables puisque les bras de liaisons (les iakos) se fixent à l’aide de clips sur la pirogue et le balancier (ama). Il devient donc très simple de la transporter sur le toit d’une voiture et de la stocker dans un garage ou sous l’avant-toit de sa maison. Le plaisir de la glisse allié à la légèreté, la solidité et la facilité de montage, ont permis un développement spectaculaire de cette pratique dans le monde et depuis peu en Europe. Les surfeurs ont été parmi les premiers à s’enthousiasmer pour cette nouvelle glisse. C’est ainsi que le Pays Basque est devenu, tout naturellement, la porte d’entrée en Europe de la pirogue hawaïenne.
Sport complet, écologique, la pratique de la pirogue séduit de plus en plus les adeptes des sports d’endurance mais aussi les adeptes des salles de sports soucieux de se rapprocher au plus près de la nature.
Textes & Photos : Guy Ringrave