La vie est un combat, et qui aura un peu vécu se rendra à cette évidence. Boxe, boxe.
Depuis que le monde est apparu les organismes vivants luttent et insistent pour exister. Le si fragile brin d'herbe s'évertue à franchir les couches de terres, ou de cailloux, pour atteindre la lumière. Gauche, droite, enchaîne. Boxe, boxe.
Plus proche de nous, le vaillant spermatozoïde vainqueur deviendra en s'accouplant à l'ovule qui l'attend, un être humain. Vous, moi. Esquive, remise. Avance. Déplace-toi. Boxe, boxe.
Toutes ces luttes sont inhérentes à la vie, de l'activité sportive pratiquée de façon épisodique jusqu'au sport de compétition. Vouloir les aplanir, voire les éradiquer dans une société au risque zéro, et à l’effort nul, serait une erreur grossière pour le développement physique et mental de l'enfant, et de l'adulte qu'il deviendra. Parce que chaque petit innocent à qui nous donnons vie doit apprendre à se respecter, à respecter l'autre son égal, à maîtriser ses peurs et appréhensions, et à faire sa place (en plus de tout le reste...) Autant de vertus que le sport nous apprend. Pas de bagarre de rue. Boxe, boxe.
Combien de petits délinquants bagarreurs sont devenus des hommes respectables en passant par la boxe ? Et les sports durs comme le "Noble Art" concourent à aguerrir l’individu, dans la mesure où son entourage y voit autre chose qu’une pompe à fric. Ce n'est pas en supprimant les écueils que l'on devient plus fort, plus sûr, c'est en s'y préparant, et en les affrontant que l'on peut les surmonter. Sac de sable. Punching-ball… et les heures de corde à sauter. Boxe, boxe. Ton jeu de jambes… Suer, perdre du poids. Boxe, boxe…
On peut être poète de talent comme Nougaro et apprécier la boxe. Avoir le « cartable bourré de coups de poings ». On peut être boxeur et devenir Nelson Mandela, homme d'état que nous avons connu et que nous admirons. Observe, analyse l'adversaire et patiente. Boxe, boxe.
La boxe fascine. Parce que deux hommes, entraînés, se défient physiquement et mentalement sur un ring, se respectant mutuellement et respectant scrupuleusement les premières règles édictées en 1743 par Jack Broughton, pour éviter que ce sport ne soit une tuerie. En boxe, on ne frappe pas un homme à terre par exemple. Break. Relève la tête et boxe, boxe.
Certes, la finalité est de gagner. Et alors !? Qui aime perdre ? Le pugilat existe depuis plus de 3 200 ans, Homère en parle dans l’Iliade. Les hommes, même sages, ont toujours eu, dans leur jeunesse, besoin de cet affrontement. Dans notre monde moderne, les dames aussi s’y sont mises… Jab, jab…Ta garde…Boxe, boxe.
La boxe sculpte les corps, tonifie les muscles, canalise l'agressivité naturelle de l'enfant, apprend à se défendre le cas échéant, mais surtout renforce le mental, la pugnacité, l'envie d'aller au bout de soi, avec un adversaire direct qui fera payer cash la moindre erreur. Et que cette souffrance sera physique et psychologique. Et qu'il faudra trouver en puisant profondément dans sa nature, le courage de surmonter sa peur, et de se maîtriser, pour ne pas tomber dans l’irrespect. Et de continuer. Prendre des coups, durs, les encaisser, les oublier pour aller plus loin. Esquive, esquive. Accroche-toi. Boxe, boxe. Remise.
Mais ce sport ne s'arrête pas là. L'acceptation douloureuse de la défaite (ou de la supériorité) à l'instant "T" de l'adversaire, empêche de devenir prétentieux, arrogant. Par ailleurs, la victoire est belle et encourageante mais la retenue vis-à-vis du vaincu est de mise. On ne pavane pas, parce qu'on sait très bien que demain... on peut aussi aller mordre la poussière. Break... 7, 8, 9... Stop ? !
En sport, et contrairement à quelque doctrine jusqu’au-boutiste venue des états-Unis notamment, l'adversaire n'est pas un ennemi, et si le mot de "guerre" est utilisé, il reste impropre. On ne fracasse pas. On ne cherche pas à retirer la vie. Si l'esprit de combat, et le besoin de victoires existent, ce n'est pas pour autant que, le match terminé, on se hait, on sort les armes. Éduquer nos enfants à comprendre cette différence est fondamental pour leurs repères.
C’est fini. Embrasse ton adversaire, vainqueur ou vaincu. Va saluer son coin. Reste digne.
La cruelle défaite, lorsqu’elle arrive, sert autant que la victoire, avec en plus la volonté de progresser pour gagner.
Texte : Roger Pascual - Photo : © Fred Prat. Toute utilisation du texte ou de la photo sans autorisation est formellement interdite.